III
Henet, accourue à l’appel de Nofret, poussa à sa vue toute une série d’exclamations à laquelle la jeune femme mit fin en l’invitant à aller lui chercher Kameni.
— Dis-lui d’apporter un rouleau de papyrus, ajouta-t-elle. Je veux qu’il m’écrive une lettre pour le maître.
Les yeux fixés sur la joue encore rouge de Nofret, Henet répéta :
— Pour le maître… J’ai compris… Qui t’a fait ça ?
— Kait.
Le souvenir de la scène amenait un sourire sur les lèvres de Nofret. Henet secoua la tête et fit claquer sa langue.
— C’est mal, très mal… Il est certain que le maître doit être mis au courant.
Jetant à Nofret un rapide coup d’œil de côté, elle insista :
— Oui, il faut absolument qu’Imhotep soit informé !
— Toi et moi, dit doucement Nofret, nous sommes du même avis. J’estime, comme toi, que nous devons veiller à ce qu’il sache !
Détachant de sa robe une très jolie broche, une améthyste montée sur or, elle la mit dans la main d’Henet.
— Toi et moi, Henet, nous voulons que le maître soit heureux.
— Mais c’est trop beau pour moi, Nofret !… Tu es trop généreuse.
— Imhotep et moi, nous apprécions la fidélité. Nofret souriait, les yeux presque clos.
— Va me chercher Kameni, conclut-elle, et reviens avec lui. Vous serez, lui et toi, les témoins de ce qui s’est passé.
Kameni arriva bientôt, un peu à contrecœur et la mine maussade.
— Tu n’as pas oublié, je pense, lui dit Nofret d’une voix impérieuse, les instructions que t’a données Imhotep avant son départ.
— Non.
— Le moment est venu de les appliquer. Assieds-toi et prépare-toi à écrire ce que je vais te dicter !
Kameni hésitant encore, elle ajouta, avec impatience :
— Ce que tu vas écrire, c’est ce que tu auras vu de tes propres yeux et entendu de tes oreilles ! Henet confirmera tout ce que je vais dire et le message devra partir le plus tôt possible et en grand secret.
Kameni dit très lentement :
— Je n’aime pas beaucoup…
Nofret ne le laissa pas achever.
— Je n’ai pas à me plaindre de Renisenb. Elle est molle, faible et un peu sotte, mais elle n’a pas cherché à me nuire. Est-ce que ça te rassure ?
Un peu de rose avait coloré les pommettes bronzées de Kameni.
— Ce n’est pas à ça que je pensais…
— Je n’en suis pas très sûre, répondit Nofret avec douceur. Ne perdons plus de temps, écris !
— Oui, dit Henet, écris ! Toute cette histoire me fait une peine affreuse, mais Imhotep doit être informé. Ce n’est que justice. Si désagréable qu’une chose nous soit, nous devons la faire quand le devoir l’ordonne. Tel a toujours été mon sentiment !
Nofret ne put réprimer un petit ricanement.
— Je te crois sur parole, Henet, et c’est ton devoir que tu vas faire, ainsi que Kameni. Pour moi, je ferai… ce qui me fait plaisir !
Kameni hésitait encore. Il paraissait soucieux.
— Je n’aime pas ça, déclara-t-il avec un peu d’irritation dans la voix. J’estime, Nofret, que tu devrais prendre le temps de la réflexion.
— C’est toi qui oses me dire ça ?
Kameni, rouge de confusion, détourna son regard. Nofret, d’une voix adoucie, poursuivit :
— Fais attention, Kameni ! J’ai sur Imhotep une grosse influence. Il m’écoute. Jusqu’à présent, tu lui as donné satisfaction…
Le silence qui suivit était lourd de sens.
— Est-ce une menace ? demanda sèchement Kameni.
— Peut-être !
Il regarda Nofret longuement, puis baissa la tête.
— Très bien, Nofret, je t’obéirai. Mais je crois… oui, je crois que tu regretteras !
— Me menacerais-tu à ton tour ?
Non, Nofret. Je te donne seulement une opinion.